Au mois d’août 2000 Erik Orsenna écrivait « Très peu de choses sont urgentes, même en politique ». Aujourd’hui je me demande s’il ne faudrait pas écrire « Très peu de choses sont urgentes, sauf en entreprise ». L’urgence est devenue une maladie qui impacte la vie professionnelle depuis quelques années et qui se répand comme une pandémie inexorable. Mais qu’est-ce qui explique cette évolution ? Comment cette maladie a-t-elle pu émerger ?
Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) renforcent le sentiment d’urgence
Si je refuse toute forme de « techno phobie » et que je ne pourrais pas me passer des avantages que me procurent ces TIC, elles n’en sont pas moins porteuses d’effets pervers. Le premier, et je l’ai évoqué à maintes reprises dans ce blog, est la multiplication des sollicitations. Qu’elles se produisent pendant que nous travaillons ou qu’elles apparaissent alors que nous nous consacrons à des activités personnelles, ces interruptions renforcent le sentiment d’urgence. Les contacts avec les partenaires de notre vie professionnelle sont devenus innombrables. Les clients peuvent nous joindre à toute heure du jour ou de la nuit, la hiérarchie nous envoie une quantité considérable d’information et de consignes diverses, les collègues viennent nous déranger pour un oui ou pour un non. Ces sont bien là les changements de comportements qui ont accompagnés l’apparition des TIC et dont j’ai déjà parlé. Aujourd’hui, nous sommes joignables à tous moments et les sollicitations véhiculées par les nouveaux outils se multiplient et nous donne un sentiment d’urgence permanente.
Victimes consentantes
Mais, si une partie de nous se plaint de cette situation, une autre partie en tire satisfaction, voire s’en délecte. Etre dans l’urgence nous donne le sentiment illusoire de l’efficacité et de l’utilité. « Il existe un vertige positif de l’urgence lié au fait de se sentir dans le tourbillon de la vie » nous dit Gilles Finchelstein.
Et c’est vrai qu’il est parfois grisant de répondre à toutes les sollicitations qui nous parviennent. C’est vrai que l’hyperactivité, que la résolution de multiples problèmes très secondaires, l’accomplissement frénétique de tâche nous enivre. Nous avons à la fois le sentiment d’exister aux yeux des autres et, en même temps, nous vivons l’expérience grisante d’être utiles aux autres, nous ressentons le plaisir d’avoir satisfaits client, collègues et hiérarchie.
Ajoutez à cela que cette hyperactivité et l’hyper disponibilité sont perçus comme des indices d’investissement professionnel, comme des signes permettant de distinguer le « bons » collaborateur du mauvais et vous aurez sous les yeux les ingrédients d’un cocktail délétère, explosif qui menace non seulement nos entreprises, mais aussi nos vies.